Le choc complet. Comment était-ce possible ? Il n’y avait aucune explication logique, scientifique à ce que Boubacar venait de me révéler. Pourtant il m’avait bien vu ce jour-là. Après cette révélation chez Sandra, j’ai préféré ne rien lui répondre et partir le plus rapidement possible.
Le lendemain, il a essayé de m’appeler au moins vingt fois et je refusais de décrocher le téléphone. Est-ce que dans son entreprise d’Intelligence Artificielle, ils ont créé, je ne sais pas, une lentille qui détecte les corps Astraux ? Ont-ils prouvé l’existence de l’âme ? Wouah ! La technologie au service de la spiritualité, c’est la fin de la médecine. Je divague. Mais attends ! Revenons au vif du sujet. S’il m’a vu, ça ne prouve toujours pas son innocence.
Peut-être qu’il a tout orchestré sachant que je le surveillais et que j’allais forcément dire à Sandra d’aller chez Jay. Je reçois un message écrit : Veux-tu connaître le fin mot de l’histoire ? Rdv au Café Kanté dans une heure. J’ai pris mon courage à deux mains et j’y suis allée. Fébrile. Boubacar m’a reçu avec un sourire narquois.
– Tu m’as fait peur ce jour-là.
– Comment ça ? Comment as-tu pu me voir, encore une des inventions de ta boite ?
– Haha ! Rien à voir.
– Vas-y explique !
– Calme-toi, c’est moi la victime ici. C’est pas cool d’espionner les honnêtes gens comme ça.
– …
– Déjà bravo d’avoir développé ton don. Il s’avère que j’en ai aussi un. Je vois les personnes décédées.
– …
– Donc tu peux comprendre que quand je t’ai vu dans ma voiture, pendant cinq secondes j’ai cru que t’étais morte ! Mais je sais pas, je ressentais, une autre vibe, j’ai réfléchi à 1000 à l’heure et j’ai décidé de faire comme si de rien était le temps de réfléchir posément.
– Tu vois les morts ? Attends, le mec ingénieur, cartésien au possible qui se foutait de nous quand on faisait de la Wicca. T’es sérieux ?
– Genre, si je vous avais dit « je vois des âmes errantes », vous m’auriez cru ? Puis j’ai une réputation à tenir. Même maintenant si j’en parle, je peux dire adieu à mon taff et on me met chez les fous.
– C’est dingue. Depuis quand ? Moi c’est récent tout ça…
– Depuis tout petit en fait. Mes parents le savent parce que je leur passais des messages de mes grands-parents décédés. Mais ils m’ont toujours dit de mettre ça de côté et de suivre la voix classique, de me fondre dans la masse. Tu connais : Tolérance zéro. Il y avait une chance sur 1 milliard que je tombe sur quelqu’un qui pouvait voir les morts mais aussi mon corps Astral.
Pendant cette rencontre nous avons longuement discuté. Lorsqu’il m’avait vu dans cette voiture, son pragmatisme avait pris le dessus. En général les morts préviennent en avance de leur passage, il ressent comme une communication télépathique et ils se présentent à lui un instant plus tard. Ils dégagent également une vague de froid.
Là, il avait bien vu une autre lueur dans mes yeux, un peu comme si je m’en voulais d’être présente à son insu, et il faisait chaud dans sa voiture. En tout cas, il s’est mis a cherché des informations plus mystiques sur les âmes et les corps dissociés et en a conclu que je devais faire de la projection Astrale. Boubacar m’a également parlé d’un club secret où se rassemble les personnes qui ont des dons et des pratiques de l’ordre du mystique. Un groupe très restreint où je pourrai m’épanouir et développer mes compétences. Ils se réunissent deux fois par semaine.
Je lui reprochais quand même de mentir à Sandra, qu’elle comprendrait sûrement. Là c’est toute une partie de lui qu’il lui a toujours caché. Il dit qu’un jour, il lui avouera tout mais ce n’est pas le moment. Deux semaines plus tard j’avais intégré ce club secret ; Spririt club, et m’était rapproché de Boubacar. Ça me faisait du bien de pouvoir partager sans complexe mes savoirs et théories. Dans ce club, la science complétait l’occulte, ils étaient en harmonie. Pour mon cas, on essayait de voir si en plus de prendre possession des corps, je pouvais également prendre possession des esprits. Pour le moment, cela paraissait impossible. Ils étaient tous au courant pour M. Frémont. Certains disaient que c’était une erreur de débutante et de ne pas trop me ronger l’esprit. Il avait lui-même du sang sur les mains, parait-il. Mais un fond de culpabilité subsistait en moi. Sandra sentait que quelque chose se tramait. Elle devenait distante avec moi. Elle ne me parlait plus de Boubacar et elle devait savoir qu’on s’était rapproché. C’était purement platonique bien sûr mais de son point de vue peut être pas. J’ai décidé de mettre ça dans un coin de ma tête, peut être que bientôt on lui révèlerait tout. Depuis quelques jours j’ai l’impression de vivre dans un trou noir. Tout ce qui m’intéresse c’est de savoir jusqu’où mes dons peuvent aller. Changer de pays ? Aller sur la lune ? Rencontrer des martiens ? Je m’enferme dans ma chambre et m’entraine, étudie, et le reste du temps je vais au club pour voir Boubacar et les autres. Pourtant, aujourd’hui je ressens le besoin d’aller chez Sandra. Mais depuis notre froid, je ne vois pas trop comment aborder les choses. Dois-je utiliser mon corps Astral pour prendre la température ? Peut-être qu’elle sera en train de parler de moi au téléphone avec Fati ? Non, c’est trop intrusif, il est déjà 20h. Allez vas-y, Boubacar rentre bientôt du travail. Projection. Je suis dans le salon. Sandra est assise sur le canapé, en train de manger un snack, et de lire un livre. Son téléphone sonne, je me rapproche.
C’est Fati ! Je les connais par cœur. Au moins, je saurai ce qu’elle pense de moi avant de la recontacter demain.
– Salut Fati ! Pas trop claquée de ta journée madame la Présidente ? Haha
– …
– Quoi ??? Boubacar rentre à l’instant, il me remarque tout de suite, et me regarde d’un air choqué. Il détourne le regard vers Sandra. Sandra le regarde :
– Mariama…elle est morte.
FIN
Auteure : Adama Sissoko
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